Je n’ai pas attendu que la nuit gagne l’horizon pour qu’il disparaisse. J’ai assombri celui-ci, puis l’ai noirci. J’ai fait démolir le phare et ses occupants qu’il m’a bien fallu réduire au silence. J’ai redessiné la côte, l’ai transformée de fond en comble, ai fait déplacer les bancs de sable, m’y suis assis pour attendre que surgissent de la nuit ceux qui naufrageront. J’ai fait dresser des falaises là où il n’y avait que des plages de sable, ai fait surgir des brisants aux pointes acérées, ai déplacé des épaves et rasé les amers.
J’ai ordonné qu’on allume les feux.
Nos chaloupes sont prêtes, nos mousquets sont chargés.
Un premier trois-mâts a heurté les brisants, et très vite j’ai pour toujours débarrassé de leurs peurs les marchands de la Hanse, ne laissant vifs que leurs laquais.
Les hommes sont ainsi faits que pour fuir les ténèbres ils se dirigent vers la lumière. La nuit venue, alors qu’ils désespèrent trouver un havre où ils seront à l’abri, les voilà prêts à croire en n’importe quel dieu qui les rassurera, car ils présument que là est leur salut.
Je suis l’ange déchu, le porteur de lumière, le prince des ténèbres, celui qui indique leur route aux voyageurs égarés, celui qui illumine, celui qui les éclaire. Qu’on me nomme Jacques, François, Nicolas, Barak, Dmitri, Jintao ou je ne sais quoi, je suis un naufrageur, je suis un élu.
Je partage amplement
Une belle écriture qui mériterait largement d’être éditée. Je parle aussi en général de nombreux textes des blogs de pierre Vaissière, que je retrouve avec beaucoup de plaisir. Je trouve cette histoire de naufrageurs très intéressante, et sa chute inattendue très belle et juste. J’espère que les gens la comprendront.