J’aurais aussi bien pu être un Grec, mais désolé, ça n’a pas marché. De toute façon, je n’y suis pour rien. Puis tant mieux, que je n’en sois pas un.
C’est vrai ça aurait pu être pire, je sais pas, Chinois, par exemple, ou Ukrainien. Ou encore Indien, en fille, horreur ! Mais c’est loupé, et re-tant mieux. Qu’est-ce que j’aurais pu être encore ? Aborigène. Aborigène au début du siècle dernier, le XXe. Terrible.
Et ben non, je suis un Français bon teint, à défaut de l’être pure souche. Pure souche, pas sûr que ça existe. Il y a bien quelques imbéciles qui prétendent être des Français pure souche, de gros et fats couillons ! D’abord, elle existe depuis combien de temps, la France ? Sans parler du reste, qu’encore aujourd’hui, pas si sûr que ça que je sois le fils de mon père, et je ne suis pas le seul.
On se rassure comme on peut, voilà tout, mais je sais pas si les Grecs ont vraiment de quoi se rassurer.d’être grecs. Moi, je serais grec, garanti que je me débrouillerais pour me trouver d’autres origines, et de là, en ramant un peu, une autre identité avec la nationalité qui va avec. Même turque, surtout si je pense à comment je vais me dépatouiller pour me loger et ne pas crever de faim. Parce que si j’étais grec, verni comme je suis, aucune chance que je sois un armateur plein aux as ou que je vive pépère dans un monastère à prier le bon Dieu pour qu’il nous préserve de payer un jour des impôts.
J’ai cherché dans ma généalogie, pas de bol : rien que du Grec. Du pêcheur, du simple soldat, du laveur de carreaux, de la bonniche, de la lavandière, de la prostituée, du voleur à la tire sans ambition, de l’institutrice, du savetier, de l’employé des postes, du cireur de godasses (hélas jamais lêcheur de bottes, activité qui aurait permis à mes aïeux et ïeules de gravir quelques échelons sociaux) et, cliché oblige, du pâtre : rien que du sans grade. Est grec qui s’en passerait bien, par les temps qui courent, mais n’est pas turc, français, british, allemand, italien ou autre chose, qui veut.
Quelques années en arrière, avant la gabegie des Jeux olympiques, je dis pas qu’être grec c’était le Club Med, mais aujourd’hui, c’est la galère. Une galère pourrie qui prend l’eau que, nom de dieu, on a beau essayer de boucher les trous, elle s’enfonce plus vite qu’un suppo dans le fondement de ces suppôts de Satan qui font la pluie et le beau temps. La pluie pour les loquedus qu’ont déjà les pieds dans le bourbier, le beau temps pour ceux qui se font bronzer sur leur yacht. Que le Champagne coule à flots !
Les J.O., miroir aux alouettes de jeux stériles et débiles où, pour une gloire vaine et éphémère, des sportifs imbéciles jouent la carte des entubeurs professionnels qui s’en mettent plein les fouilles. Vive la flamme olympique ! Le feu père Coubertin, il doit te faire un tel box dans sa tombe que ses os doivent être tout en vrac. L’esprit olympique sacrifié sur l’autel du profit ! Garçon, une autre coupe !
Les J.O., au départ, que l’on m’arrête si je divague, c’était-y pas censé booster l’économie ?. Ben tiens ! C’est ni le pays ni le peuple qui en a tiré les marrons du feu, tu peux me croire et moi aussi. La vraie flambée, ça n’a pas été celle de la flamme olympique, mais celle des prix. Vous me rajouterez quèques arnaqueurs armateurs et une tripotée de coince la bulle aux frais de l’état et des citoyens, je parle des rigolos de l’Église orthodoxe, qui prêchient prêtchachent, Église dont les richesses échappent à tout contrôle, mais qui profitent des largesses de l’ État. Avec de tels passe-droits, va t’étonner que l’ État soit dans tous ses états. Un état dont les dépenses, conséquence logique, sont loin d’être compensées par les recettes. Clous et nèfles au menu, ça va un moment, et tu peux avoir envie de changer de crêperie. Ou de chef, avec sa brigade.
Fait chier d’être grec. Je parle pas pour les nantis qui se foutent de la Grèce comme je me fous de Bassan, patelin de l’Hérault sans autre intérêt que celui d’avoir vu naître Jacques Villeneuve, pas le coureur –qui n’a rien à voir avec la Grèce–, mais le sculpteur dont le classisisme héllénique transpire l’évidence plus que les marathoniens, ces drôles de zèbres qui ignorent que la première Guerre Médique est finie depuis quelques lustres.
Grec et pauvre, ce qui est redevenu synonyme. Pour les gens du peuple. Mais peut-on sérieusement thésauriser d’un côté sans paupériser de l’autre ? Quoi ? Il y aurait des dégâts collatéraux ? Allons donc… Reversez-moi donc une coupette, mon brave.
Bon. Il fallait un bouc émissaire, on l’a trouvé. L’Europe peut dormir du sommeil du juste et les pontes de celle de l’ouest, du FMI, de la BCE et autres foutaises peuvent cesser de se faire du souci, tout en faisant semblant de s’en faire. L’affaire est déjà juteuse –isn’t miss Lallouette ?– et le sera plus encore à terme. Pas pour tout le monde, entendons-nous bien. Des noms ? Allons, faties pas semblant de ne pas les connaître…
M’en sortirais-je en tant que Grec, ou le sortilège qui semble s’acharner sur le pays ne sera-t-il levé que par une nouvelle dictature pire que celle des Colonels ? Car avec les généreuses et brillantes « aides » de l’Europe et du FMI, nul doute que cette histoire va finir en eau de boudin pour le peuple grec, le comportement de ces instances risquant d’ouvrir largement la voie au populisme et aux extrêmismes.
« SOS, on est dans la merde ! »
« Bougez pas, on arrive… »
Quelqu’un qui se noie, on fait quoi ? On lui lance une bouée, on lui tend la main, on le ramène sur la berge, on lui prodigue des soins. Sauf si c’est arrangeant de lui enfoncer la tête sous l’eau, gloups, ce qu’ont fait et continuent à faire les grands argentiers, dont Christine Lagarde, la méprisante caissière en chef qui, professionnelle des déclarations débiles à l’emporte-pièce, n’a pu s’empêcher d’en rajouter en vilipendant les Grecs.
Son arrogant « Qu’ils commencent par s’entraider collectivement en payant tous leurs impôts » est passé comme une lettre à la poste. Une lettre piégée, va sans dire. Propos par ma foi bien mal venus de la part de quelqu’un dont le salaire annuel est de 380 999 €, net de taxes sur le revenu, on croit rêver ! Sans parler des autres privilèges. Il vient d’où, ce pognon ? Manne divine ?
Question morgue et dédain, notre Nicolas national peut aller se rhabiller. Qu’elle se pointe seulement dans les rues d’Athènes, la caissière principale moralisatrice, et on va lui en foutre, de la morgue.
Moi, si j’étais grec, je te la plumerai, Lallouette, qu’elle aussi n’aurait plus qu’à aller se rhabiller.
Mais voilà, je suis pas grec, et c’est pas tant pis. Je suis français. Pas plus de souche que la plupart d’entre-nous. C’est vrai qu’aujourd’hui, à choisir, je préférerais encore être allemand. Pour combien de temps, j’en sais fichtre rien.
Mais être Christine Lagarde, je voudrais surtout pas. À cause de la honte.
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Un petit verre de Raki ?
À la bonne vôtre !