Pris d’une fringale irrépressible de commémorer, je ne dors plus. Il me faut commémorer à tout prix. Me reste cependant à trouver un objet de commémoration, car aucune commémoration n’a de sens sans le complément d’objet direct qui l’accompagne, plus simplement dit, sans son objet. Je m’imagine, emblème ou symbole lambda en main expliquant à qui veut l’entendre, car m’ayant demandé ce que je fais ainsi, lui annoncer que je commémore, point. Quel embarras !
Le 14 juillet, je ne suis pas contre, mais ça manque cruellement d’originalité et depuis le temps qu’on le commémore, c’est usé jusqu’à la corde. Pareil pour l’anniversaire de naissance du gars de Nazareth, çui qu’aurait un nom imprononçable, à ce qu’on dit. Ceci dit, puisque j’écris en silence et sans dire mot, cela ne me concerne pas vraiment. Puis, pas de risque, la prudence m’a fait taiseux. Pâques ? Trop compliqué, comme toutes les fêtes qui ne tiennent pas en place. L’Armistice ? Je ne serais pas contre, mais avec tous ceux qu’il y a eu, lequel ? Un armistice entre quels pays ? Je me vois en choisir un, me défoncer pour organiser la commémoration avec les invitations qui vont avec, pour me rendre compte qu’un des deux états n’existe plus depuis un bail, j’aurais l’air de quoi ? Commémorer la Coupe du monde de foot que tel ou tel autre pays a remportée ? Encore faudrait-il que j’aime le foot et que j’ai de la mémoire. J’ai pensé à commémorer la disparition ou la naissance de grands hommes, mais ceux d’avant l’invention du mètre, et qui valent peut-être ceux d’après, je fais comment pour savoir la taille qu’ils faisaient ? Les premiers pas de l’homme sur la Lune ? A ce compte, pourquoi pas la première plongée d’un sous-marin ?
La naissance du IIIe Reich ? Et pourquoi pas celle de Staline, d’Amin Dada sur mon bidet ou d’Al-Assad père et son galopin de rejeton ?
Mais fichtre, que vais-je bien pouvoir commémorer ? Les commémorations elles-mêmes ? En ce cas, celles touchant à quoi ? Aux gens, aux événements, aux non événements –déjà objets d’un nombre incalculable de commémorations ? Et que prendre en compte entre naissances et morts, entre venues et disparitions, arrivées et départs, fins et débuts ?
Trouverai-je enfin l’objet idéal de commémoration qui m’évitera de commémorer encore et toujours la fin des haricots, comme je l’ai toujours fait en de telles occasions, étant toujours à court d’idées ?
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