Voilà ma commande pour Noël que j’ai faite au père du même pour la fête pareille aussi, et qu’il se défile pas comme l’an dernier, le salopiot, sous prétexte que ses rennes avaient crevé, c’te blague, avec leurs sabots neige tout neuf !
Pour commencer, je veux qu’il se pointe à fond de ballons sur son skiluge en faisant péter ses gyrophares et sa sono. Oh oh oh, qu’il dira, c’est moi que v’là, au cas où on l’ait pas reconnu. Avant il aura envoyé ses nains jardiniers couper les perce-neige que le pépé se casse pas la margoulette comme l’an dernier, qu’on avait passé la messe de minuit à prier exprès, sauf que ça avait pas marché et que le vieux grigou il a toujours pas passé l’arme à gauche, comme quoi le bon dieu, c’est des balivernes. Rênes ou pas, pour ce que ça lui sert à cause que ses bestiaux ils en font qu’à leur tête de mule, qu’il se les laisse au garage, le père Noël. Le crottin de bourrin passe encore, mais çui de renne, merci !
Ma commande ? On se calme, ça vient.
D’abord, à cause que je dois passer le certificat d’études, je veux les sujets, et qu’il oublie pas çui en histoire que va savoir s’ils nous ont pas concocté un truc sur la Syrie comme l’an dernier que j’avais eu tout faux à cause que j’avais pas su calculer le nombre de stères de bois qu’il fallait pour fabriquer les cercueils. Pas que je sois mauvais en calcul, mais entre le nombre de morts qui augmente sans arrêt et le nombre de pins d’Alep qu’arrête pas de diminuer, je m’y prends comment ? Y’a le calcul aussi. Les problèmes de robinets qui fuient, je m’en sortirai. C’est pas compliqué : je coupe l’eau, et basta. Suffit que je sache où se trouve la vanne d’alimentation ou le robinet s’il n’y a pas de vanne, et i’m semble qu’il n’y en a pas. Maintenant si c’est un truc rapport aux élections, genre pourcentages et tout le tintouin, je suis même pas sûr qu’il ait une solution, le père Noël. Les autres matières, je verrai bien, je suis pas plus cancre que d’autres et au moins je sais combien coûtent un paquet de clopes, une contredanse et un vol à la tire. Le prix du ticket de métro, en brousse, on s’en contrefout.
Pour le culturel, je veux une trompette et les paroles de la chanson qui dit « Ah r’joue moi-z’en d’la trompette ». S’il l’a pas en stock, « Cause toujours tu m’intéresses » fera l’affaire.
Les temps sont difficiles, j’invente rien, et c’est pas toutes les nuits que je trouve facilement le sommeil. Il me faut tous les bouquins que les présidentiables ont pondu.
Pour ce qui est des films, je suis plutôt branché trucs légers, du genre Quand la scierie déraille – Bruit de bottes aux frontières – Le Gros Ali menteur l’Agroalimentaire – Comment des cons ont laissé le pouvoir à d’autres cons – Terrorisme et tiroir-caisse – L’Inter plus ou moins net – Quand les femmes et autres minorités l’auront profond.
Indispensable : la pitance. Je veux mes cinq fruits et légumes par jour jusqu’à Noël prochain ainsi que « mes amis pour la vie », je veux dire mes produits laitiers quotidiens.
Côté relations, si jamais le vieux barbu a encore des amis, ce qui m’étonnerait mais on sait jamais, j’aime autant qu’il se les garde, mais s’il essayait de me les fourguer, je ne réponds de rien. J’ai les amis qu’il me faut : un rouleau de fil de fer barbelé, des bottes à clous, une Kalachnikov, un lot de grenades, deux trois Exocets et le nécessaire pour tenir un siège. Une fois qu’il m’aura fait le plein de munitions. Une machette ? Pourquoi pas.
C’est pas que je tienne particulièrement aux jeux de société, mais c’est pour les gosses des voisins, question d’éducation. Ils adorent les jeux de stratégie où pour gagner faut écraser les autres. Y’a un jeu, j’ai pas tout compris, je crois que ça s’appelle Il raque – Il rend, ou ça y ressemble. On est le chef d’état d’un grand pays, une démocratie, et le but est de se faire taper sur la gueule des ennemis héréditaires qui ont oublié pourquoi ils étaient ennemis, mais on leur rappelle. Ça mêle des histoires de gros sous, de religion et de plein d’autres conflits idiots comme il y avait eu par chez nous entre cathos bon teint et parpaillots au teint si heureux cireux. Sauf que dans ce jeu, c’est pas des chrétiens qui se foutent sur la gueule, pas cons ! Mais paraîtrait qu’au cas où ce jeu aurait du succès, une version côté Europe de l’ouest serait déjà sous presse. Mais Dieu reconnaîtra les siens, ben tiens !
Au gros de mes cadeaux, maintenant, gentil père Noël : les gadgets technologiques connectés super intelligents, qu’en plus ils tiennent pas beaucoup de place dans ta hotte de sept lieux vieux qui courbe l’échine sous le poids de la vieillerie. Note bien : Je veux un aïl-faune pour faire des selfies, photographier ce que je mange et me faire racketter ; un ordi portable pour m’énerver avec les virus et me faire blouser ; une tablette pour me faire empapaouter et prendre des photos artistiques ; une puce dans le cul pour que mon toubib soit au courant de mon état de santé intestinal (je lui enverrai des selfies de mon anale anatomie) et une autre dans le crâne pour qu’il se donne d’excellentes raisons pour me faire interner dans un hache-pet. Je veux un frigo hyper super finaud qui gère le stock de mes cinq légumes et produits laitiers quotidiens. J’exige une poupée gonflable avec fonctions déconnectables, notamment la parole.
Côté affectif, je l’ai dit, je suis pourvu questions amitiés. Mais question gosses, avec ceux que j’ai usés, c’est le désert. Aussi je te prierai, cher papa Noël, de mettre deux petits moricauds dans mes petits souliers à défaut de petits morveux orphelins d’Europe de l’est. Mais pitié, pas des chiards à qui faut encore mettre des couches, mais un petit costaud qui rechigne pas à la tâche pour le ch’tiot et un joli brin de fille qui rechigne pas à la besogne pour la gamine.
Voilà, je crois que c’est tout.
La clé est sous le paillasson, la gnôle où tu sais.