Bientôt les élections. Les présidentielles. Il était temps parce que ça commençait à me manquer sérieusement. Des années sans faire son devoir de citoyen, c’est pas de la rigolade, on peut me croire.
Mais ouf ! c’est parti, et c’est tant mieux.
J’ai acheté tous les bouquins des uns et aussi des autres, suivi tous les meetings, soit directement, soit en y déléguant quelqu’un de confiance. J’ai épluché les programmes, examiné les épluchures au cas où, traîné mes guêtres dans les permanences des candidats. J’ai joint mes potes des renseignements généraux, truffé de micros 11 appartements, 24 résidence secondaires et 5 antichambres ministérielles. Je me suis abonné à 3 journaux, ai fait appel aux services de 2 détectives privés, ai fait un chèque confortable pour le denier du culte en échange de renseignements que me fourguera le confesseur des 2 cathos qui briguent la très haute fonction. J’ai aussi suivi une formation pour déceler dans la gestuelle des prétendants ce qui peut se cacher derrière un discours séduisant. Bref : sans m’étendre, car ce n’est pas le moment de musarder, je me suis senti armé pour le grand jour.
Mais plus tard, et ce n’est pas faute d’avoir mûrement planché et réfléchi, je me suis rendu compte que j’étais infoutu de décider pour qui j’allais voter, peut-être à cause d’un surplus d’informations d’une clarté redoutable.
J’aurais pu me laisser abattre et désespérer. Réagis ! me suis-je dit. Redresse la tête citoyen, montre-toi digne d’être français et fier de cette liberté de vote durement acquise par tes aïeux, nom de dieu !
Je me suis mis au garde-à-vous. J’ai levé les yeux au ciel. Des nuées bleues, blanches et rouges se sont déchirées, laissant apparaître un chœur d’anges coiffés d’un bonnet phrygien. Dès les premières notes de l’hymne national, j’ai su ce que je devais faire.
Je reviens d’avoir couru toutes les boutiques de la région susceptibles d’être achalandées en jeux de hasard, des jeux qui comportent au moins deux dés. À cause de la demande je n’ai trouvé mon bonheur qu’après avoir visité je ne sais combien de boutiques. Mais c’est fait, et je me retrouve avec une jolie paire de dés. 6 + 6 = 12. Il y a 11 candidats. J’attribue le 2 à Machin, le 3 à Truc, le 4 à Bidule, etc. et enfin le 12 à Tartempion. Et le tour est joué.
Je chauffe les dés, les rode en les faisant rouler à tout va. Il est temps de faire mon choix. Je me concentre, respire un grand coup et les jette à la volée. La volonté divine a parlé : nul ne pourra critiquer mon choix.
Vive la France !