Moi président…

La France va mal, l’Europe est moribonde. A force de tourner en rond le Monde n’a jamais autant et aussi mal tourné rond, et moi -même je ne suis pas au mieux de ma forme. Certes j’ai encore forme à peu près humaine, mais pour combien de temps ? Devrais-je laisser faire les choses ? me suis-je interrogé. Du côté flemme, oui; mais de l’autre côté (flemme aidant, inutile que je cherche un quelconque antonyme qui qualifie cet autre côté), non. NON.
Laissons faire, me dis-je à voix basse afin de ne pas passer pour un pleutre aux oreilles de qui ferait semblant de ne rien entendre.
Pourtant, résultat évident d’un altruisme que je sais déraisonnable, j’hésite. Remettons-en nous à la providence nous dis-je en sortant un dé de ma poche gousset (celle où je mets toujours une pièce au cas où s’imposerait un pile ou face). Je le tripote, le chauffe. Je le lancerai sans violence ni précipitation. Je n’agirai que si je sors un 6. Deux fois de suite, histoire de laisser plus de chance à l’inaction.
Je le fais rouler une première fois. Le 6 sort, paire et manque. Un deuxième jet produit un deuxième 6 : Merde ! J’ai gagné.

Le destin a décidé pour moi et pour le bien de l’humanité. Je m’en vais désormais prendre en main les choses de ce monde.
Zut, merde, pine et boxon m’exclamè-je en pensant à Georgette dont il me faudra me débarrasser. Elle ferait tache, et il va de soi que l’ambassadrice du Monde se doit d’être au top. Je devrai aussi virer de ma vie les encombrants qui se sont accumulés autour de moi, choses et gens devenus inutiles. Résider à l’Elysée fera l’affaire, du moins dans un premier temps.

Je me ferai élire président. D’autres y arrivent bien, pas moins couillons que moi. Je n’aurai qu’à faire un maximum de promesses, le double, le triple, le quadruple, cent fois plus que mes concurrents imbéciles. Promesses que je ne pourrai tenir, évidemment, mais le staff de prouvologues que j’aurai mis en place contre quelques largesses prouvera le contraire. Leurs cohortes de faux témoins n’auront aucun mal à démonter les campagnes de dénigrement. Ce sera scandale contre scandale, mais je vaincrai, puisque tels sont les desseins du destin.
Des cracks de la communication m’auront appris à mentir de façon éhontée sans froncer les sourcils, ni rougir, ni transpirer, ni produire le moindre baîllement, gargouillement ou flatulence. Je saurai même accuser un collaborateur ou un hôte officiel d’être l’auteur d’une émanation intempestive, nauséabonde et indélicate.
Je saurai m’entourer de collaborateurs froids, lucides et intéressés. Ils me propulseront sur les plus hautes marches de l’Europe. Je mettrai les médias dans ma poche en pensant au temps où mes moyens modestes ne me permettaient de n’y glisser que le seul journal régional. Des équipes de prouvologues à la solde du pouvoir, donc à ma solde, seront chargées de la censure, base de l’éthique de toute dictature.
Me restera à saisir les rênes du pouvoir mondial. S’en emparer ne sera pas chose aisée. Être un fieffé coquin ne suffira pas si je ne fais qu’enjamber les gênants. Ils devront donc disparaître. Armés de leurs gommes, mes hordes de nervis s’en chargeront. Les témoins appelés par les équipes de prouvologues n’auront rien vu, ni entendu. Devenu sourd, aveugle, abruti et se satisfaisant des colifichets que je lui ferai distribuer à chacun de mes anniversaires, d’est en ouest et du nord au sud, le peuple se la fermera. Tout possesseur d’un quelconque pouvoir y trouvant son compte, fut-il petit, l’opposition pourra dormir tranquille.
Détenteur d’un pouvoir régalien, je régnerai en maître absolu. Je connaîtrai la solitude que confère l’extrême puissance, mais parce que je n’éprouve qu’indifférence pour mes semblables, je me régale par avance.

C’est dit, au boulot !

moi president

A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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